Esquisses vénitiennes

Henri de Régnier

Un bouquet de textes enchanteurs sur une Venise bien oubliée, calme et silencieuse, dont l’auteur était un amoureux fervent. Il y séjournait régulièrement et nous emmène découvrir à sa suite des arrière-cours tapies au fond de ruelles labyrinthiques, des jardins improbables, des palais délaissés, assoupis dans une atmosphère dangereusement humide et salée.
Le lecteur aura sans doute du mal à ne pas garder au fond de lui pour toujours ces évocations sensuelles, comme autant de souvenirs ineffaçables de rencontres qu’il n’aura lui-même jamais faites.
(Édition annotée)

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ISBN : 978-2-491445-50-8
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C’est l’heure que j’aime. Il fait presque sombre dans la chambre, mais, au dehors, c’est encore le jour, et le grand cyprès dresse sa pointe obscure vers le ciel clair, quand je descends au jardin. La terre où je pose mon pied est humide. Les sauges et les plates-bandes sont d’un écarlate plus verni. Une large rose blanche courbe sa tige flexible et repose dans l’air immobile, de tous ses pétales pesants. Je passe près d’elle sans m’attarder et je prends l’allée qu’il faut, sans quoi je me laisserais captiver par le charme de ce jardin crépusculaire et je ne sortirais point. Et que ferais-je alors de la grosse clé qui pend à mon doigt ?

Elle ouvre, cette clé, la haute grille de fer forgé qui donne sur la petite terrasse en corbeille au-dessus du canal. Au bas des glissantes marches de marbre, la gondole attend entre les pali. Je m’installe sur ses coussins de cuir noir. À la proue, le fer tranchant se recourbe hardiment. N’est-ce pas lui qui semble avoir coupé à travers Venise les luisantes entailles de ces canaux que borde, çà et là, de sa plaie mal cicatrisée, quelque rouge façade de palais ? N’est-ce pas lui qui a déchiré, d’un sillage vite recousu derrière moi, l’étoffe satinée de la lagune ?

Henri de Régnier

Henri de Régnier – Honfleur, 28 décembre 1864 ; Paris, 23 mai 1936.
Écrivain, critique littéraire, essayiste, il fut d’abord et avant tout poète. Ses premières publications, alors qu’il venait d’avoir vingt ans, lui attirèrent immédiatement une renommée qui ne se démentit jamais. Son oeuvre poétique, teintée de Parnasse et de Symbolisme, reste une des plus abondantes et des plus remarquables de la langue française. Le 9 février 1911 elle lui ouvrit les portes de l’Académie française. Sa vie privée fut moins académique : son épouse Marie de Heredia, une des filles du poète, publia elle-même sous le pseudonyme de Gérard d’Houville, une oeuvre romanesque et poétique abondante. Marie entretenait une liaison avec l’écrivain Pierre Louÿs (qui finira par épouser sa soeur Louise), dont elle eut un fils, Pierre de Régnier, lui-même écrivain et poète.

Frontispice
L’encrier rouge
L’illusion
La clé
Le jardin bizarre
Le portrait
Les Zattere
L’éléphant
La tasse
L’écritoire
Le traghetto
La belle dame
Le caprice de Bettine
La commedia
Le stratagème
Palais à vendre
Le peintre
Le nain
Il palazzo
Le felze
L’hiver
Convalescence
La Brenta
Masques
Épigramme vénitienne