Promenade à travers le monde, 1871 – III

Chine

Joseph Alexander von Hübner

Le dernier pays du périple n’est pas le plus agréable à rencontrer ni le plus facile à vivre. L’Empire du Milieu, barricadé sur des siècles d’entre-soi, est entraîné dans un déclin inexorable. Assiégé par les puissances extérieures, il s’arc-boute sur un système suranné, corrompu et sclérosé. Le peuple innombrable, inculte, misérable, n’a jamais connu que le despotisme. La brutalité de cette humanité non dégrossie heurte la sensibilité des visiteurs européens du XIXe siècle autant que celle du lecteur d’aujourd’hui, qui n’en apprécie que mieux le chemin parcouru depuis. (Édition annotée, la version numérique contient le texte intégral des trois tomes.)

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Plus nous avançons vers la porte, plus le courant devient fort. Ah ! que ne puis-je revenir sur mes pas ! Mais il est trop tard. L’entonnoir sombre, noir, étroit, va nous engloutir. Mon guide, type de l’hercule anglo-saxon, se fraye passage. Je tâche de le suivre, mais la foule nous sépare. Si j’ai le malheur de tomber, on n’aura garde de me secourir. Ce sera un diable étranger de moins. Voilà tout ! Il sera tombé par hasard, et c’est par hasard qu’on le broiera. Le hasard ne paye pas d’indemnités ; il n’est pas exilé sur les bords de l’Amour ; on ne lui tranche pas la tête. Et moi qui trébuche sur les bords des planches glissantes ! À ce moment suprême, me voyant déjà sous les roues des charrettes, sous les pieds des ponies mongols et des portefaix, je saisis la tresse d’un grand monsieur qui marche devant moi. Y a-t-il situation plus bizarre et plus lamentable ? Un honnête Européen se cramponnant à la queue d’un Chinois ; le Chinois tournant la tête avec rage vers l’homme qu’il remorque malgré lui, et dont il ne peut se délivrer, car la foule l’empêche de faire usage de ses poings ; moi, toujours collé à son dos, et, faute de paroles, tâchant, par le jeu de ma physionomie, par de gracieux sourires, d’apaiser sa légitime colère !

Joseph Alexander von Hübner

Joseph Alexander von Hübner, 26 novembre 1811, Vienne ; 30 juillet 1892, Vienne.
Le petit Joseph Hafenbfädl, fils naturel de Maria Hafenbrädl, nièce d’un fournisseur de la cour, et du prince Clément Venceslas de Metternich, fut autorisé en 1833 à prendre les nom et titre de baron von Hübner. De bonne heure il marcha sur les traces de son père. Attaché puis secrétaire d’ambassade et enfin consul, il se forma dans plusieurs ambassades d’Europe avant d’être nommé ambassadeur d’Autriche à Paris, puis au Saint-Siège. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur ses missions et ses voyages, autant d’aperçus précieux sur la vie diplomatique, mais aussi sur des pays peu ouverts à l’époque, qu’il visitait avec une curiosité insatiable, aussi à l’aise avec le dernier des coolies que dans les plus hauts cercles aristocratiques. Élevé au titre de comte en 1888, il fut une des figures politiques les plus en vue de la monarchie autrichienne.

I. – Shanghai
II. – Pékin
III. – Tientsin
IV. – Hongkong
V. – Les chrétientés du Se-Non
VI. – Canton
VII. – Macao
VIII. – Homeward-Bound